BASES TECHNIQUES DE L’IMAGERIE PAR COHERENCE OPTIQUE

3 Nicolas Amabile,
Service de Cardiologie,
Institut Mutualiste Montsouris

L’OCT (imagerie par tomographie de cohérence optique) est une méthode invasive d’imagerie endocoronaire, se caractérisant par une résolution axiale (10-20 µm) et latérale fines (20-90 µm) permettant une analyse très performante de la surface artérielle ainsi que des premiers millimètres de paroi.

La technique s’est améliorée de façon progressive au cours des années jusqu’à se répandre dans les laboratoires d’hémodynamique sous sa forme actuelle (frequency-domain OCT/FD-OCT). La première technique d’OCT (Time domain OCT/ TD-OCT), aujourd’hui quasi abandonnée dans les machines actuelles, ne sera pas abordée dans cet article.

1 Comment se construit l’image ?

Le principe général de l’OCT

L’imagerie par tomographie de cohérence optique est basée sur la propagation, l’absorption et la réflexion et d’une onde lumineuse de faible cohérence, dont la longueur est proche de celle des photons infrarouges (1250 -1350 nm), sur les structures environnantes (Figure 1). Ce choix de longueur d’onde permet de s’affranchir de la réfraction entre le cathéter et la paroi vasculaire, en rapport avec l’interaction avec les composants figurés du sang, mais limite en retour la profondeur de pénétration du faisceau afférent [1].

Le rayon émis par une diode luminescente de type laser est divisé en deux faisceaux de mêmes propriétés physiques (énergie, longueur d’onde) (Figure 2). Le premier faisceau dit de référence est réfléchi par un miroir vers un capteur interne avant toute propagation. Le second faisceau va, via un miroir placé à 45 degrés être dirigé vers la structure à analyser. Ce second faisceau va se propager dans les tissus, subissant un processus de dispersion et de réflexion (sur les régions d’interfaces) avant de revenir vers sa source, avec un délai et une intensité de signal donnée (écho optique). La comparaison entre le faisceau réfléchi sur une ligne donnée (A-line/axe du faisceau optique) et le faisceau de référence est réalisée selon le principe d’interférométrie, permettant d’amplifier ou atténuer le signal (interférence destructive ou constructive) [2]. L’intensité du signal réfléchi peut être alors être codée dans une direction donnée (amplitude du signal selon la distance à la source) et convertie en pixel lumineux.

Dans le cadre de l’OCT par domaine de fréquence, la source lumineuse est constituée d’un laser émettant sur différentes longueurs d’ondes et le résultat de l’interférométrie est un signal de type fréquence optique qui après application de la transformée de Fourier pourra être convertie en un signal exploitable (amplitude, fréquence, distance à la source). Cette technique exploitée à travers les systèmes FD-OCT (St Jude Medical) et OFDI (Terumo) permet une acquisition plus rapide du signal sur une portion plus longue de l’artère, en se passant de l’occlusion au ballon du vaisseau utilisée lors de l’acquisition des images en TD-OCT (time domain OCT) [2].

Une image classique d’OCT en section (« cross sectional view ») correspond donc à l’analyse du faisceau de lumière réfléchie par les structures vasculaires et de la somme des échos optiques dans l’ensemble des directions (360°) autour du cathéter.

Absorption & dispersion du faisceau

L’absorption et la dispersion (backscattering) du faisceau lumineux à travers les différents milieux physiques traversés avant et après sa réflexion sont la base de la construction de l’image [3]. L’intensité du signal recueilli dépend de plusieurs paramètres :

  1. la distance entre la structure analysée et la source d’émission. L’intensité du signal obtenue en un point donnée est d’autant plus faible que cette distance est grande, de part les propriétés des photons de longueur d’onde de 1300nm qui n’ont qu’une faible pénétrance tissulaire (2 à 5 mm dans la paroi vasculaire)
  2. la nature de la cible analysée. En effet, chaque tissu biologique possède des coefficients de dispersion et d’absorption spécifiques (Figure 3A1 & A2).

Ainsi, la fibrose crée peu d’absorption et de dispersion des photons lors de sa traversée, donc peu de perte de l’intensité du signal, permettant une analyse plus en profondeur du tissu (3B).

Au contraire les pools lipidiques créent une forte atténuation du signal par absorption et dispersion des photons, avec une analyse du tissu limitée en profondeur et expliquant l’aspect mal limité des bords de la zone (3C).

Les zones de calcification créent une forte atténuation du signal dans leur partie la plus superficielle (d’où l’aspect d’hyposignal), mais ne créent après coup qu’une absorption et dispersion limitée du faisceau, permettant une analyse plus en profondeur du tissus et un aspect bien délimité des bords (3D).

De même, le thrombus blanc, pauvre en hématies, n’absorbe que très peu les photons (3E), au contraire du thrombus rouge qui contient beaucoup de globules rouges et crée une absorption importante de ces mêmes photons (3F). Ces propriétés doivent être gardées à l’esprit lors de l’analyse de l’image.

Réflexion du faisceau

La réflexion du faisceau photonique au niveau d’une zone d’interface dépend des indices de réfraction entre les 2 milieux, de l’angle du faisceau incident et de la polarisation de celui-ci. Le signal sera d’autant plus réfléchi (et donc donnera une image plus nette) que la différence entre les 2 indices de réfraction sera grande et que le faisceau arrivera perpendiculairement sur la cible. Ainsi, une maille de stent ou le guide d’angioplastie (interface métal/paroi vasculaire) créera une réflexion quasi exclusive du faisceau expliquant l’absence de signal en arrière de celle ci. Au contraire, en cas d’incidence tangentielle du faisceau sur la structure, la réflexion sera moindre et l’image parfois moins nette (3G).

2 L’acquisition des images

La technique d’OCT par domaine de fréquence permet l’acquisition rapide (20 à 40 mm/s) d’une image sur une portion d’artère de 52 à 75 mm (FD-OCT , St Jude Medical) ou jusqu’à 150 mm (OFDI, Terumo), en un temps minime. La fibre optique est placée sur un guide d’angioplastie, via une partie monorail, dans le vaisseau à analyser, au moyen d’un guiding cathéter de calibre 6 french.

Pour obtenir la meilleure image possible, le milieu environnant la sonde doit être débarrassé de ses hématies (dont on a vu qu’elle altéraient l’analyse du signal). Cela peut être obtenu par l’injection de produit de contraste (voire de solution macromoléculaire visqueuse) durant le retrait (video 1). Le volume à injecter dépend de la taille de l’artère : 15 à 20 cc pour l’artère coronaire gauche, 15 cc pour l’artère coronaire droite. Le débit de produit de contraste doit être compris entre 3 à 3,5 ml/s. Un injecteur automatique est particulièrement utile pour réaliser l’examen, mais pourra être remplacé par une seringue lure-lock (vissée) de 20 cc en cas d’injection manuelle.

Avant de réaliser l’acquisition, certains points sont à vérifier sous forme de check-list pour obtenir la qualité optimale d’image et éviter les artefacts :

  1. Avoir réalisé la calibration de la sonde (z-offset)
  2. Avoir soigneusement purgé la lumière de la fibre par du produit de contraste, afin d’y éviter l’accumulation d’hématies
  3. Tester la qualité du flush par une injection de quelques cc de produit de contraste : l’image du vaisseau obtenue doit alors être nette, sans présence de volutes d’hématies. Si celle ci ne l’est pas, il faut alors vérifier l’intubation du guiding catheter dans le vaisseau et éventuellement augmenter le débit d’injection.

Conflits d’intérêts: Nicolas Amabile est consultant pour la société St Jude Medical.

REFERENCES

[1] Bezerra HG, Costa MA, Guagliumi G, Rollins AM, Simon DI. Intracoronary optical coherence tomography: a comprehensive review clinical and research applications. JACC Cardiovascular interventions. 2009;2:1035-46.

[2] Hamdan R, Gonzalez RG, Ghostine S, Caussin C. Optical coherence tomography: from physical principles to clinical applications. Archives of cardiovascular diseases. 2012;105:529-34.

[3] Radu MD, Raber L, Garcia-Garcia H, Serruys PW. The Clinical Atlas of Intravascular Optical Coherence Tomography for iPad.

Figure 1 :  Cliquez pour agrandir : Interaction entre les photons émis et la paroi vasculaire coronaire normale. La succession de l’intima/media/adventice et les réflexions successives donne un aspect tri laminaire caractéristique.

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Figure 2 :  Cliquez pour agrandir : Principes généraux de l’OCT en domaine de fréquence.

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Figure 3 :  Cliquez pour agrandir : Dispersion, absorption et réflexion de l’énergie lumineuse selon le milieu biologique traversé.

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